Cité judiciaire et son parc paysager à Senlis

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Label Architecture Contemporaine RemarquableLabel Architecture Contemporaine Remarquable

Adresse renseignée dans la base Mérimée :
Soupirs (allée des) 26
60300 Senlis - France

Code Insee de la commune : 60612
Oise [60] - Beauvais - Picardie (Hauts-de-France)

Adresse approximative issue des coordonnées GPS (latitude et longitude) :
26 Allée des Soupirs 60300 Senlis

Description :
"Le tribunal de Senlis se situe à l’extérieur des murailles de l’ancienne ville, au début du plateau de Villevert. Il est desservi par une rue qui mène aux équipements sportifs de la ville. Elévation extérieure : Intégré dans un environnement vallonné et paysager, son accès se fait de plain-pied, par une dalle bordée de pelouses surélevées. L’édifice a un plan éclaté composé d’un corps central de plan carré et de quatre ailes de plan carré également disposées aux quatre angles du corps central. Son élévation comprend un sous-sol accessible en rez-de-jardin à l’arrière de l’édifice, un rez-de-chaussée accessible par la dalle piétonne à l’avant de l’édifice et un étage marqué par des bandeaux de vitres dont les huisseries sont en aluminium. Elevé sur des pieux ancrés dans le substrat calcaire à neuf mètres de profondeur, il est construit en béton et recouvert d’éléments préfabriqués : les murs des soubassements sont recouverts de panneaux en gravier roulé tandis que ceux des parties hautes sont recouverts de panneaux de béton préfabriqués plats. Construit sur une horizontalité dominante, il se termine par un toit terrasse. Le corps central ne comprend pas d’étage ce qui met en valeur les ailes latérales. L’élévation intérieure : Le corps central L’accès au corps central se fait par un sas vitré fermé par des portes coulissantes automatiques. Ce sas permet d’accéder à un espace construit autour d’un atrium vitré qui dispense sa lumière à tout le niveau. A droite du sas, on accède au comptoir de l’accueil qui est aménagé dans une pièce fermée. Le reste du niveau, carrelé de marbre blanc, est dévolu à la « salle des pas perdus ». Celle-ci est décorée par un mur recouvert de briques vernissées et par une œuvre en lave émaillée de Paul Ambille. La déambulation mène à l’arrière de l’atrium face auquel on accède aux deux grandes salles d’audience du tribunal. Celles-ci sont similaires : elles sont de plan rectangulaire, une estrade est installée au fond de la salle, devant une grande toile peinte. L’accès du public se fait via la salle des pas perdus tandis que l’accès des magistrats se fait par une porte à l’arrière. Le mobilier est sobre : des bancs en bois avec assise en cuir ou simili. Les murs sont recouverts de panneaux tissés qui donnent une sensation confortable à la pièce ; la lumière est zénithale. Les ailes L’accès aux ailes s’effectue par des escaliers à volées droites que l’on emprunte via des portes percées sur les côtés du rez-de-chaussée. Dans les deux escaliers principaux, une toile de grand format de Paul Ambille est accrochée. Elles apportent la touche colorée de ces voies de circulation entièrement blanches. Les escaliers débouchent dans des couloirs faisant office de salles d’attentes. En effet, les bureaux des juges sont installés à ce niveau. L’architecte a tenu à ce que ces bureaux soient spacieux et profitent d’une vue sur le paysage : depuis les fenêtres du premier étage, la ville disparaît, cachée par les vallons en herbe. Des salles d’audience secondaires sont également aménagées. Elles ont conservé leur mobilier d’origine : des bancs en cuir, aux angles arrondis, des tablettes en bois pour les spectateurs, une estrade sur laquelle sont installés les fauteuils des juges, leur bureau en marqueterie, etc. Depuis ce premier étage, il est possible d’accéder au toit terrasse du rez-de-chaussée. Celles-ci ne sont pas des espaces utilisés par le personnel, elles n’ont donc pas été mises en valeur. Mais elles offrent une vue imprenable sur les alentours. Des escaliers différenciés permettent d’accéder aux niveaux inférieurs. Le sous-sol est dévolu aux bureaux de police et aux prisons. L’accès n’y a donc pas été possible. Modifications : Depuis les années 1980, seuls quelques travaux d’entretien ont été réalisés. Plusieurs chantiers de travaux sont en cours à l’intérieur et à l’extérieur du tribunal. L’ensemble des clôtures menuisées extérieures est en cours de remplacement par de nouvelles menuiseries en aluminium noir, sur le modèle des anciennes, avec conservation du bandeau intermédiaire en aluminium. Les bureaux sont en cours de rénovation (remise en peinture, revêtement de sol neuf). L’ensemble du réseau électrique est en train d’être refait à neuf."

Historique :
Du XIXe siècle jusqu’à la fin des années 50, l’architecture des Palais de Justice est une architecture parlante qui utilise le néo-classicisme pour intimider les justiciables. Le style néo-classique se prête à l’exercice par son vocabulaire et ses caractéristiques inhérentes : les colonnes évoquent l’infini, la lumière sommitale fait référence au sacré, le vocabulaire architectural des temples apporte avec lui une forte charge symbolique. A travers cette architecture, l’institution oriente et contrôle les comportements humains. A partir des années 60, le Palais de Justice est délesté de toute charge symbolique pour exprimer plus génériquement la fonction administrative d’un grand équipement public. La construction du Palais de Justice de Lille entre 1958 et 1967 par Jean Willerval et Marcel Spender marque un tournant en s’éloignant des conceptions spatiales et formelles traditionnelles. Quelques années plus tard, l’étude de programmation du nouveau palais de Justice de Nancy aboutit à l’expression du concept de « cité judiciaire ». Celle-ci doit regrouper des services éparpillés dans plusieurs sites ou dans des locaux vétustes afin de rationnaliser le fonctionnement de l’institution et de mutualiser certains services. Le concept renvoie aussi à l’insertion du pouvoir judiciaire dans la ville pour donner une image plus démocratique et proche du citoyen. Pendant trente ans, les nouveaux Palais de Justices vont rompre avec le répertoire formel de représentation d’une Justice immuable et supérieure pour donner l’image d’une institution inscrite dans la modernité, sensible aux évolutions de la société, proche du citoyen. Dans cet effort de renouveau, l’adoption du répertoire de l’Architecture moderne va atténuer la dimension symbolique et le caractère monumental de l’Architecture judiciaire. Le modèle de cité judiciaire est asymétrique, irrégulier, en plan comme en volume. L’exigence symbolique laisse le pas à l’insertion urbaine, la modernisation de l’espace judiciaire avec ses espaces de travail (salles d’audience et bureaux pour le personnel de justice). La cité judiciaire de Nancy Les choix architecturaux des années 70 à 80 vont désacraliser le Palais de Justice. Ainsi, l’édifice qui était un équipement essentiel des centres-villes est édifié en périphérie urbaine, à l’instar de n’importe quel équipement administratif. Par ailleurs, l’autonomie du bâtiment n’est plus de règle : André Wogenscky accole le Palais de Justice de Nanterre à la Préfecture entre 1969 et 1974 ; Guy Lagneau, Michel Weill et Jean Dimitrijevic intègrent les tribunaux d’instance et de grande instance d’Evry dans la cité administrative entre 1966 et 1976. Enfin, cette architecture codifiée perd son modèle typologique. La cité judiciaire de Senlis s’intègre pleinement dans ce renouveau architectural : l’accès au bâtiment se fait de plain-pied, son insertion paysagère est remarquable, l’attention a été porté au bien-être du personnel de la Justice avec des bureaux pourvus de grandes baies donnant sur la nature, l’espace d’accueil et la salle des pas perdus s’organisent autour d’un atrium-jardin qui apporte lumière et vie dans la structure administrative. Ces nouvelles cités judiciaires mettent à mal l’idée d’une institution dominant la ville. Au contraire, les édifices sont généralement clairs, lumineux, ouvert sur la ville et directement accessible au niveau de la rue. La banalisation de l’Architecture va inquiéter le corps judiciaire qui craint que l’affadissement ou l’affaiblissement de l’image de la Justice n’entraînent la disparition de valeur plus profonde comme la crainte de la Loi et ne porte atteinte au fonctionnement de la Justice. Dès les années 1990, le ministère de la Justice abandonne les cités judiciaires pour reconstruire des palais de Justice monumentaux. Patio intérieur du tribunal Un décor signifiant Avant les années 1960, le décor des Palais de Justice dispensait un discours allégorique et symbolique sur les façades extérieures, les murs et les plafonds intérieurs. Dans les cités judiciaires, ce discours est plus rare. Il existe néanmoins et combine œuvres artistiques, textures, lumière, couleur bien qu’il soit alors moins perceptible pour le public. Ainsi, l’entrée monumentale du Palais de Justice de Reims (1983), les tapisseries de celui de Lille, les piliers et dalles-champignons de la salle des pas-perdus d’Evry font référence au chêne de Saint-Louis. A Senlis, le décor est de deux types : les espaces de déambulation (salles des pas perdus et escalier montant aux bureaux des juges) sont ornés d’œuvres faisant référence à la ville de Senlis, les salles d’audience ont un décor qui fait référence à des jugements légendaires. Ainsi, le décor des espaces « publics » de la cité judiciaire contribue à intégrer le tribunal dans son environnement urbain et quotidien comme dans n’importe quel équipement public ou espace de travail : les vues de Senlis servent de toiles de fond au « Concert à Saint-Frambourg » et à la « Légende des trois colombes », référence à la colombe de Noé, qui chercha la paix pendant de nombreux siècles après le déluge. Seuls les « espaces spécialisés », ceux où l’on rend la Justice abordent des thèmes qui replace l’institution dans une symbolique forte en convoquant des « jugements » antiques au destin funeste : celui de Pâris qui entraîna la guerre de Troie, et le concours entre Apollon et Marsyas qui s’acheva par la mise à mort de Marsyas et symbolise selon Nietzsche la lutte entre les influences apolliniennes et dionysiaques de l’Homme.

Architecte ou maître d'oeuvre :
Pierre-André Chauveau (architecte), Paul Ambille (peintre)

Datation de l'édifice :
1977

Année d'obtention du label Architecture Contemporaine Remarquable :
2023

Fiche Mérimée : ACR0001850

Dernière mise à jour de la fiche Monumentum : 2025-01-09

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