Grande mosquée de Strasbourg à Strasbourg

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Label Architecture Contemporaine RemarquableLabel Architecture Contemporaine Remarquable

Adresse renseignée dans la base Mérimée :
6 rue Averroes
67100 Strasbourg - France

Code Insee de la commune : 67482
Bas Rhin [67] - Strasbourg - Alsace (Grand Est)

Adresse approximative issue des coordonnées GPS (latitude et longitude) :
6 Rue Averroès 67100 Strasbourg

Description :
"La Grande mosquée Heyritz de Strasbourg est située à la confluence entre la rivière de l’Ill et le canal du Rhône au Rhin au sud du centre historique de la ville. Localisé à la pointe nord du quartier de la plaine des Bouchers, le site est délimité par des infrastructures : à l’ouest et au nord par les voies d’eau précitées, à l’est par la rue Averroès (anciennement rue de la Plaine des Bouchers) et au sud par la ligne de chemin de fer Strasbourg-Kehl. La réalisation de l’architecte Paolo Portoghesi est implantée au centre d’un terrain d’assiette horizontal (côte NGF 139) en forme d’écusson inversé. Occupant un quart du terrain, la construction qui abrite la mosquée est de plan rectangulaire (env. 60 m par 44 m) avec un long coté sur l’axe nord-est et sud-ouest. Elle est composée d’un volume principal de plan carré de 34 m de coté qui abrite l’élément principal du programme d’usage : la salle de prière. Comme il se doit dans l’architecture cultuelle musulmane, l’orientation de cette salle est dictée par sa position par rapport à la Kaaba de La Mecque (sensiblement sud-est) : la qibla. Ainsi ce volume principal présente une façade aveugle, orientée vers la Mecque, qui donne sur la rue Averroès. La façade principale avec l’entrée de la mosquée se trouve à l’opposé. Elle est précédée d’une place-parvis surélevée de huit marches et au-delà d’un vaste esplanade donnant sur l’Ill. Elle est flanquée de part et d’autre par deux volumes plus bas engagés dans les angles de la salle de prière et qui abritent les salles des ablutions. Enfin, sur la façade latérale sud-ouest de la salle de prière, se développe un dernier volume également de plan carré et environ 15 m de coté. Celui-ci abrite les bureaux et locaux annexes. Le volume principal qui abrite la salle de prière s’élève sur deux niveaux. Il est couronné en son centre par une coupole d’un diamètre de 17 m à la base, de 20 m de haut et recouverte de tôles de cuivre. Élément spécifique de cette architecture, la coupole légèrement outrepassée présente comme particularité d’être maintenue par un double système de reprise des charges. Le premier consiste en un jeu de huit arcs tubulaires surbaissés en acier peint en blanc sur lesquels elle repose. Ceux-ci sont disposés deux à deux de part et d’autre de la coupole. L’orientation de chaque paire d’arc varie à chaque fois de 45 degrés traçant ainsi en plan une étoile à huit branches qui libère en son centre un octogone où s’implante la coupole. Le second système est constitué d’un jeu de seize tirants métalliques auxquels elle est suspendue. Ces deux dispositifs structurels reportent in fine les charges jusqu’au sol par l’intermédiaire de huit puissants contreforts qui culminent à 15 m du sol : les arcs surbaissés venant en butée sur la partie basse tandis que les tirants s’accrochent sur la partie sommitale. En béton armé, ces contreforts sont implantés hors œuvre, par deux sur chacune des quatre faces de volume. Ils marquent en plan les pointes de l’étoile à huit branche précitée. L’ensemble de la construction est en maçonnerie enduite avec un soubassement en grès des Vosges. En dehors de la coupole, les toitures sont plates en dalles béton étanchées. L’intérieur de la salle de prière est un vaste plan libre. Au centre de la face sud-est est percé une petite niche, le mihrab, qui indique l’orientation de La Mecque. Sur toute la face opposée, on trouve une tribune supportée par quatre colonnes. Le couvrement est composé par les arcs surbaissés et l’intrados de la coupole de teinte bleu clair. Les parois intérieures de la salle sont habillées sur la moitié de leur élévation de zelliges, mosaïques de terre cuite vernis de quatre teintes (bleu, rouge, blanc et noir) composant des motifs géométriques. Une haute frise en stuc formant corniche se développe sur les quatre faces de la salle. A l’extérieur, le reste de la parcelle est occupé par des parkings et des espaces verts aménagés. Analyse architecturale : L’architecture de la Grande mosquée de Strasbourg a été confiée à Portoghesi à l’issue d’un concours international en deux tours lancé en 2000. Y participaient les architectes Mario Botta, Zaha Hadid, Benjelloun & Rochd, Pfister & Valente et Jean-Michel Wilmotte. Le programme du concours, mis au point par Walter Picco, était plus vaste et comprenait notamment un centre de formation, une bibliothèque, un lieu d’exposition, un restaurant, un auditorium et enfin la mosquée à proprement dite. Ainsi, à l’origine, le projet lauréat de Portoghesi s’organisait en quatre édifices distincts reconnaissables par leurs architectoniques différentes et qui abritaient chacun un élément du programme. L’ensemble architectural imaginé, jouant entre similitudes et différences dans la droite ligne du mouvement Post-moderniste, proposait de composer un « morceau de ville » avec une succession de petits espaces publics interstitiels à l’intérieur de l’ensemble. Au final, seule la mosquée sera réalisée. Bénéficiant d’une position remarquable, au bord de l’eau qui la met en scène et à la confluence de plusieurs quartiers, aux portes de la ville historique, la Grande mosquée est de fait un édifice signal dans le paysage urbain. Son inscription urbaine est cependant à apprécier au regard de la contrainte d’orientation de la salle de prière qui impose une géométrie a priori étrangère aux lignes de force du paysage urbain préexistant. Portoghesi réussit à combiner les deux. Toutefois, la remarquabilité de son œuvre alsacienne repose en grande partie sur cette ambition de couvrir l’immense salle de prière, en évitant tout appuis intermédiaire et, au-delà de la prouesse technique, d’en faire un élément esthétique participant à la définition de l’espace. C’est cette ambition qu’il m’amène à imaginer le double système structurel décrit précédemment. Pour réussir ce couvrement, Portoghesi reprend un archétype que l’on retrouve notamment dans le couvrement de la chapelle du mihrab de la mosquée-cathédrale de Cordoue (786-1523) mais également dans l’église San Lorenzo de Turin (1666-1680), œuvre de l’architecte Guarini. Ici, l’archétype est porté à des dimensions extrêmes (34 m de franchissement) et la courbure des arcs est quasiment plate. Ce couvrement, parfaitement rationnel, devient l’élément formel le plus prégnant de l’espace intérieur. Des fenêtres, dissimulées en périphérie de la salle, assurent un éclairement de la sous-face du plafond qui renforce le sentiment de légèreté de l’ensemble, couronné par l’immense coupole qui occupe la moitié de la salle. A cette prouesse technique, répond, dans un même registre horizontal, l’ornementation des murs délimitant la salle, avec des techniques artisanales traditionnelles de l’architecture islamique. La frise formant corniche, reprend en calligraphie arabe, le texte du verset de la lumière, issu de la 24e sourate du Coran dite sourate An-Nur. C’est ce même verset qui est inscrit au centre du dôme de la cathédrale-mosquée de Sainte-Sophie à Istanbul. En érudit de l’histoire de l’architecture, Portoghesi met en résonance par deux citations, une mosquée devenue cathédrale et une cathédrale devenue mosquée. Il produit également un espace parfaitement isotrope, caractéristique principale de l’architecture cultuelle de l’islam. S’agissant de l’image extérieure, la remarquabilité provient notamment de l’idée de suspendre la coupole de la salle de prière à des tirants extérieurs, un élément innovant de cette architecture présent dès l’esquisse du concours. Dans les premières esquisses de Portoghesi, la coupole apparaît quasiment comme une sphère, à l’image de la géode de la Cité des sciences et de l’industrie (Fainsilber, 1986 et label ACR). Elle repose sur une étoile à huit branches (inscrite dans le plan), dont chaque sommet est soutenus par deux tirants, ancrés sur seize contreforts (quatre par faces). Ils ont la forme de larges mats rectilignes qui donnent à l’ensemble une silhouette hérissée. Dans une seconde esquisse, l’étoile à huit branches est agrandie aux mêmes dimensions que le plan. Le nombre de contreforts étant réduit à huit (deux par face), chacun supporte alors deux tirants séparés par un angle de 45 degrés. La section des contreforts évolue en conséquence et devient triangulaire et plus massive. La coupole évolue également, prenant légèrement une forme de bulbe nervuré. Ce n’est que dans une troisième esquisse que l’architecte attribue la forme cintrée aux contreforts que l’on peut voir réalisés aujourd’hui, sans doute afin d’en réduire l’aspect massif du à l’évolution du système de suspension de la coupole. Cette modification, qui au premier abord pourrait paraître comme une coquetterie orientaliste, témoigne plutôt d’un renforcement du parti pris architectural retenu par l’auteur. Il correspond à une dernière phase de recherche de Portoghesi qui l’amène, à la fin des année 1990, à radicaliser les analogies formelles à la nature qu’il emploie pour ses architectures. Il rapproche alors la couverture de sa mosquée de la forme d’une fleur : la coupole en étant le cœur, tandis que les contreforts arqués en sont les pétales. On peut donc considérer son œuvre en Alsace comme le prototype de cette phase de sa théorie de l’architecture, qu’il présente dans trois expositions, suivies d’un livre Natura e architettura (1999), où il définit l’analogie entre architecture et nature comme un fait historique. Chavardès indique qu’il extrait « les archétypes […] qui dépassent les différences culturelles entre Orient et Occident […]. Il définit la nature comme un instrument dans le processus de projet, pour inscrire une architecture dans une continuité spatiale, mais surtout une continuité historique. »"

Historique :
"Livré en 2011, la Grande mosquée de Strasbourg figure parmi les dernières œuvres de Paolo Portoghesi, architecte italien internationalement reconnu, commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres en France. Sa première œuvre de notoriété est l’église Sacra Famiglia à Salerne (Italie), édifice conçu en 1969 et livrée en 1974. Paolo Portoghesi (1931-2023) obtient son diplôme d’architecte en 1957 à la faculté d’architecture de l’université La Sapienza de Rome. En 1958, il est également diplômé en histoire de l’art. Comme Bruno Zevi (1918-2000), Leonardo Benevolo (1923-2017) et Manfredo Tafuri (1935-1994), il fait partie de ces historiens et architectes formés à l’École de Rome auprès de personnalités comme De Angelis D’Ossat (1907-1992) et Renato Bonelli (1911-2004), héritiers de Gustavo Giovannonni (1873-1947) et spécialistes du patrimoine à l’origine du mouvement du restauro critico qui donnera naissance à la charte de Venise de 1964. Portoghesi développe au cours de sa carrière une activité d’historien, de théoricien, d’enseignant et de constructeur. Parmi les éléments saillants de son œuvre, on peut noter ses ouvrages sur Borromini et le baroque romain. Son livre Dopo l’achittectura moderna (1980), traduit en plusieurs langues, marque un tournant dans son œuvre écrite. Il propose une analyse de la culture architecturale de son époque et s’attache à y théoriser la pratique de l’architecture. La même année, il est responsable de la première exposition internationale d’architecture à Venise. Comme l’indique Benjamin Chavardès « C’est par cet ouvrage et par sa responsabilité à la tête de la section « Architecture » de la Biennale de Venise que Portoghesi acquiert une renommée internationale. » (Chavardès, 2022). En effet, l’exposition d’architecture de Venise en 1980 qu’il place sous le thème de « La présence du passé », officialise le mouvement Post-moderne dont il est un des théoricien et pionnier. Avec sa célèbre Strada Novissima, il participe au lancement d’architectes dont l’œuvre est aujourd’hui reconnue comme Riccardo Bofill (1939-2022), Franck O. Gehry (né en 1929), Rem Koolhaas (né en 1944), Arata Isozaki (1931-2022), Christian de Portzamparc (né en 1944) et Robert Venturi (1925-2018). En tant qu’architecte, il construit essentiellement en Italie notamment les maisons Baldi à Rome (1957-1961) et Bevilacqua à Gaeta (1964-1973) très inspirées de l’architectonique de Borromini. La Grande mosquée de Rome (1974-1995), plus grande mosquée d’Europe, est une œuvre clé dans sa production et fait de Portoghesi également un spécialiste de l’architecture islamique. Portoghesi poursuit également une activité d’enseignant. Il est successivement professeur à l’université de Rome (1959-1966 puis 1979-2007), à l’université polytechnique de Milan (1967-1978) dont il sera également doyen durant 10 ans. Il enseigne l’histoire de l’architecture, l’histoire de la critique et des théories de l’architecture puis finalement la conception architecturale. Enfin, il est le fondateur en 1969 de la revue d’architecture Controspazio. Paul Maechel (né en 1942) est diplômé de l’école d’architecture de Strasbourg en 1967 et de l’institut d’urbanisme de Paris en 1969. Il s’installe rapidement et développe son activité d’architecte jusqu’en 2016 essentiellement à Strasbourg. En 2000, lors du concours de la Grande mosquée, son agence qui regroupe les associés Maechel-Delaunay-Jund est plus connue sous le nom de Urbanetic. Il est notamment l’architecte de l’hôtel Régent Petite France issu de la restauration – transformation des anciennes glacières de Strasbourg (1990-92). Il s’associe à Portoghesi après le concours en tant qu’architecte d’exécution. Avec la Grande mosquée de Strasbourg, Portoghesi livre la seule œuvre qu’il construit en France. Cette architecture est par ailleurs la seconde et dernière mosquée que ce spécialiste de l’architecture musulmane construira. Il y poursuit une œuvre cohérente qu’il inscrit dans une triple pratique de constructeur, de théoricien et d’historien faisant de lui, comme l’indique son biographe, un néo-rationaliste qui affirme « une méthodologie de travail qui puise dans l’histoire puis, plus largement, dans l’environnement, l’origine de la matrice du projet » (Chavardès, 2022). La Grande mosquée de Strasbourg est néanmoins originale sur le plan de la structure constructive notamment avec sa coupole suspendue qui constitue une innovation d’autant plus remarquable qu’elle est réalisée avec un budget restreint et un chantier difficile. Si l’œuvre livrée par Portoghesi à Strasbourg ne représente pas le courant dominant en architecture aujourd’hui, elle est néanmoins remarquable par sa cohérente avec l’œuvre théorique de l’architecte. Prototype de la dernière phase de son œuvre construite, elle est représentative d’un courant, certes mineur mais ancien, que certains nomme la géo-architecture et qui traite des liens entre architecture et nature y compris au niveau du design. Le propriétaire est satisfait de l’équipement cultuel réalisé et entend continuer à en valoriser son architecture. L’Eurométropole de Strasbourg, dans le cadre de son label « Ville et pays d’art et d’histoire » a d’ailleurs intégré la Grande mosquée dans ses circuits de visites et installé un panneau d’information qui en présente l’architecture."

Architecte ou maître d'oeuvre :
Portoghesi Paolo (architecte), Maechel Paul (architecte d’exécution)

Datation de l'édifice :
2007, 2011

Année d'obtention du label Architecture Contemporaine Remarquable :
2024