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Label Architecture Contemporaine Remarquable
Adresse renseignée dans la base Mérimée :
"Place du Château ; quai Lenoir ; quai Joffre ; rue Louis-Blanc ; place Saint-Louis ; rue Gambetta ; avenue Maréchal-Leclerc ; place du Général-Charles-De-Gaulle ; rue du Bordeau ; rue de Tlemcen ; rue Victor-Hugo ; rue Albert-Marchand ; rue Thiers ; rue Anne-de-Beaujeu ; rue de l’Hôtel-de-Ville ; rue Bernard-Palissy ; quai de Sully ; place Maréchal-Foch ; rue de Bourges"
45500 Gien - France
Code Insee de la commune : 45155
Loiret [45] - Orléans - Centre (Centre-Val de Loire)
Adresse approximative issue des coordonnées GPS (latitude et longitude) :
6 Place Jean Jaurès 45500 Gien
Description :
Au moment où la Seconde Guerre mondiale éclate, Gien est une petite ville installée au pied d’un château du XVe siècle élevé sur un éperon rocheux dominant la vallée de la Loire, qui vit de l’exploitation de l’argile – sa faïencerie est célèbre – et du tourisme. Son centre historique a en effet conservé ses maisons médiévales à pans de bois et ses ruelles étroites. Atout majeur de la cité ligérienne, ce patrimoine architectural accélère malheureusement la destruction de la ville en 1940 en causant la propagation et l’intensification rapide des incendies provoqués par les bombardements. Lorsque se pose la question des orientations urbaines et architecturales à privilégier pour la reconstruction, il apparaît évident que Gien doit retrouver ce charme qui lui a valu jusque-là l’afflux des visiteurs en période estivale et auquel les habitants sont évidemment très attachés. D’un autre côté, en dépit du traumatisme, la nécessité de rebâtir est aussi une opportunité d’améliorer les conditions d’hygiène et de confort de l’habitat, quand les immeubles anciens tardaient à être mis aux normes, de revoir la trame viaire afin de faciliter la circulation, en particulier automobile, quand l’étroitesse des rues empêchait la fluidité du trafic, de revoir l’assainissement à l’échelle de la ville quand le réseau d’égouts d’avant-guerre était encore loin d’être continu, de construire un nouveau centre administratif et civique, avec mairie, marché couvert et salle de réunion quand les anciens locaux ne correspondaient plus aux besoins (projet finalement abandonné). Au lendemain des bombardements, l’objectif d’André Laborie est clair : « faire de Gien une ville moderne tout en conservant son cachet de ville touristique ». À l’issue d’une réflexion menée sur l’identité architecturale et urbaine des villes des bords de Loire dans le cadre d’un concours organisé dès 1940 par la préfecture du Loiret, un certain nombre d’éléments essentiels – paysages, décors, matériaux – sont identifiés qui définissent une esthétique « val de Loire » et doivent donc se retrouver dans les bâtiments reconstruits. La politique de retour aux valeurs traditionnelles prônée par le régime de Vichy s’accommodant mal du tout béton (absence d’ornementation, volumes cubiques, toits-terrasses…), il s’agit en effet de réserver les techniques modernes aux structures (ossature de béton armé, préfabrication) et d’utiliser pour les façades et les toitures les formes et matériaux caractéristiques de la région : plutôt qu’une reconstruction à l’identique – peu envisageable de tout façon ne serait-ce que d’un point de vue financier –, un « régionalisme modernisé ». À Gien, c’est le château – ses briques polychromes, ses toits d’ardoises pentus, sa tour ronde couverte en poivrière – et plus généralement l’architecture de la Renaissance qui inspirent les modèles proposés par Laborie et guident l’établissement du cahier des charges : mise en œuvre de toits à deux pans (dont la pente doit être comprise entre 45 et 50 degrés), couverts de tuiles plates ou d’ardoises, d’où émergent d’imposantes souches de cheminée en briques ; emploi généralisé des lucarnes (jacobines, à croupes ou plus rarement à fronton, souvent pendantes) ; pose en façade, en association ou non avec des enduits clairs, de parements de pierre apparente ou de brique, ces derniers animés de motifs géométriques (essentiellement des losanges) créés par l’alternance des couleurs (brique rose / brique noire, brique rose / ciment gris) et/ou la variété des appareillages. Les cadres de baie en béton évoquent les encadrements de pierre blanche des baies du château, et la tour élevée à l’angle du quai Joffre et de la place des Alliés (actuelle place Saint-Louis) est évidemment un hommage à sa tour historique. Aux nombres des servitudes enfin, l’obligation de construire à l’alignement des voies, sans possibilité de retrait. Briques encore, losanges et toits d’ardoise pour la nouvelle église Sainte-Jeanne-d’Arc. Cette dernière fait l’objet d’un intéressant programme iconographique, dont les œuvres sont installées dans une vaste nef reprenant les formes de l’église disparue, évoquant à la fois une église romane (à trois nefs, voûtes en berceau et voûtes d’arêtes, arcs doubleaux sur piles cylindriques) et l’église néoclassique qui avait remplacé la nef ancienne au XIXe siècle en conservant le clocher antérieur. La reconstitution d’un paysage harmonieux entre le château, la nouvelle église et le centre reconstruit passe aussi, à l’échelle de la ville entière, par le respect de la vue depuis l’autre berge de la Loire. Il s’agit de ne pas masquer les deux monuments en imposant une stricte limitation du nombre d’étages pour les nouveaux bâtiments (R+2 avec comble habitable) et de recréer le caractère pittoresque du front de Loire en prenant soin d’éviter toute monotonie par un léger effet d’étagement des toitures à mesure que l’on se rapproche du château, une illusion de variation dans la hauteur des maisons mitoyennes grâce à l’utilisation de baies de tailles différentes, de lucarnes pendantes ou de grandes lucarnes-pignons émergeant sur les murs gouttereaux, enfin par une subtile alternance de couleurs et de matériaux de façade. Ce même souci de variété et d’animation des élévations se retrouve dans toutes les rues du centre-ville. Le nouveau plan de Gien, tout en respectant les tracés anciens, redresse et élargit les rues, en particulier la rue Gambetta, la rue Victor-Hugo et la rue du Pont (actuelle avenue Maréchal-Leclerc), aère les cœurs d’îlots, prévoit de nouvelles places. Un soin tout particulier est accordé au débouché du nouveau pont pour lui donner les qualités attendues d’une entrée de ville. En lieu et place d’une ruelle étroite bordée de maisons disparates, c’est une place ordonnancée à arcades qui est imaginée par Laborie (la même idée, dans un style différent, est exécutée à Blois), avec effet de monumentalité et composition symétrique obtenus grâce aux immeubles d’angle – pharmacie à l’ouest, bar à l’est – qui forment pendants et dominent nettement en hauteur les autres maisons qui s’alignent sur les quais. Du point de vue de leur organisation intérieure, les maisons du centre reconstruit n’offrent pas d’innovation particulière, hormis la mise à niveau en matière de confort, et présentent une configuration traditionnelle d’habitat bourgeois. Conformément à la fonction commerçante des rues où elles s’élèvent, elles combinent, pour la plupart, boutique et pièces de service – y compris parfois la cuisine – en rez-de-chaussée, et logement dans les étages, avec cour ou petit jardin à l’arrière éventuellement occupé(e) par une annexe de plain-pied. Sans surprise, le premier étage accueille préférentiellement les pièces à vivre (espaces diurnes), le second, la salle de bains et les chambres (espaces nocturnes), en prenant soin de rejeter sur cour les circulations et les pièces annexes.
Historique :
Comme toutes les « villes-ponts » permettant le franchissement de la Loire, Gien est durement touchée et à plusieurs reprises par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale : frappée par l’aviation allemande entre le 15 et le 18 juin 1940 (centre historique entre la Loire et le château et faubourg ouvrier du Berry de l’autre côté du fleuve) – la ville est déclarée sinistrée dès le 26 juillet 1940 –, puis à nouveau en mai 1944 (quartier de la gare), elle est encore éprouvée par les raids des alliés le 6 juillet 1944 (pont, centre et faubourg). À la Libération, ce ne sont pas moins de 422 immeubles qui sont déclarés totalement détruits et 921 partiellement endommagés. Dès l’été 1940, le Loiret est parmi les premiers départements à lancer les projets de reconstruction de ses « villes martyres ». Il s’agit en effet pour le nouveau régime tout à la fois de rétablir rapidement les circulations vers le sud de la Loire – notamment des troupes en replis et des réfugiés –, de manifester son soutien aux sinistrés, de donner du travail aux populations urbaines désœuvrées, et de mettre en pratique ses idées en matière d’urbanisme et d’architecture. Gien sera l’un de ces chantiers expérimentaux lancés par un préfet particulièrement sensible à la question, Jacques Morane, ingénieur des Ponts et Chaussées et ancien membre de la commission d’Aménagement de la Région parisienne, qui souhaite alors mettre ses compétences au service d’un département sinistré. Dès son arrivée, il réorganise le service départemental d’Architecture, s’entourant d’hommes de l’art qu’il a eu l’occasion de rencontrer à Paris à la commission d’Aménagement, ou alors qu’il était directeur-adjoint de l’Exposition internationale de 1937. Ainsi un architecte-urbaniste en chef, Jean Royer (1903-1981), formé à l’École spéciale d’Architecture et à l’École des Hautes Études urbaines, ancien adjoint d’Henri Prost (1874-1959) à Paris, est-il chargé d’établir les lignes directrices de la reconstruction, notamment pour ce qui est de repenser les trames urbaines, tandis qu’en matière d’architecture, l’adaptation des préconisations départementales aux spécificités de chaque ville est confiée à un architecte dit « d’ensembles », en amont des chantiers de reconstruction effective qui seront, le moment venu, distribués entre les architectes d’opération. Dans ce contexte, Gien est placée sous la responsabilité d’André Laborie (1899-1979) nommé dès août 1940 et qui dispose d’un délai de trois mois pour livrer un premier plan d’aménagement (avec rectification du réseau viaire, redéfinition des îlots et remembrement parcellaire), lequel est validé par le conseil municipal le 27 octobre, soumis à enquête publique du 5 au 9 novembre, transmis au préfet dans sa version définitive le 23 novembre et finalement adressé au Commissariat technique à la Reconstruction le 2 décembre. Le plan reçoit quelques mois plus tard l’approbation ministérielle par arrêté en date du 4 août 1941. Dès le 15 septembre 1941, le règlement de voirie, le programme des servitudes et le règlement sanitaire sont établis, ainsi qu’un avant-projet pour un nouveau réseau d’égouts. Pour l’heure, sur fond de pénurie de matériaux, il ne s’agit pas encore de lancer les opérations de reconstruction mais de les préparer tout en faisant face à l’urgence du relogement et de l’approvisionnement. Immédiatement commencés à l’été 1940, les travaux de déblaiements des 7 000 m³ de gravats produits par les premiers bombardements se poursuivent jusqu’à l’été 1942 tandis que sont progressivement aménagés, sous la supervision d’un « service des Constructions provisoires », les baraquements destinés à accueillir temporairement les petits commerces détruits du centre-ville, des habitations pour les sinistrés, ainsi qu’un lieu de culte puisque les églises Saint-Pierre et Saint-Louis sont en ruine. Créée par arrêté du 24 décembre 1941 du commissaire à la Reconstruction, une « association syndicale de Remembrement de Gien » s’occupe parallèlement de mettre d’accord les habitants sur les contours des nouvelles parcelles qui doivent leur être attribuées selon le plan général de Laborie et en fonction des superficies et caractéristiques de leurs anciennes propriétés. Enfin, conformément à la politique mise en place par le régime de Vichy de parrainage de communes sinistrées par des communes non touchées, Gien obtient en août 1942 le soutien financier de la ville de Nice, qui débloque des fonds dès 1943. Avec les nouvelles vagues de destructions de 1944, une partie de l’ouvrage doit être remis sur le métier. De nouvelles opérations de déblaiement – elles seront menées jusqu’en 1946 – et un ajustement du plan directeur sont nécessaires. Maintenu dans ses fonctions d’architecte-urbaniste de la reconstruction de Gien après la Libération, Laborie revoit son projet, finalement adopté le 10 novembre 1945 par le conseil municipal et approuvé dès le 15 par la nouvelle autorité préfectorale qui le déclare d’utilité publique. La ville y est divisée en 28 îlots répartis dans quatre zones d’intervention (zone pittoresque et historique, zone d’habitation de résidence artisanale, zone de grande résidence, zone d’habitations ouvrières ou rurales) caractérisée par des servitudes esthétiques de moins en moins contraignantes à mesure que l’on s’éloigne du centre touristique. Gien devient également en juillet 1945 la filleule d’une seconde ville, Tlemcen en Algérie, qui décide elle aussi de participer financièrement à la reconstruction de la commune loirétaine. C’est donc seulement à la fin de l’année 1946 que peuvent être réellement commencés les travaux de reconstruction effective des bâtiments, inaugurés avec le chantier de la nouvelle place du Pont (actuelle place Leclerc) et des immeubles de l’îlot 14. Fin 1948, les aménagements intérieurs sont terminés de sorte que les premiers occupants investissent les lieux en janvier 1949. L’inauguration officielle de l’îlot et de deux rues parmi les voies nouvelles – dont la dénomination (rue de Tlemcen et quai Joffre/quai de Nice) rend explicitement hommage à la générosité des villes marraines de Gien – intervient le 30 juillet 1950, en présence du ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, Eugène Claudius-Petit (1907-1989). Menés parallèlement, les travaux de l’îlot suivant (îlot 13), préparés dès 1947 (fondations), commencent à l’été 1948 – de même que l’aménagement de l’escalier d’accès au château (les Degrés) et des terrasses – et sont achevés en 1951. On s’attelle également à redonner un lieu de culte à la ville. Si décision est prise de ne pas rebâtir l’église Saint-Louis, la reconstruction de l’église Saint-Pierre, dont le clocher est classé, est confiée à l’architecte en chef des Monuments historiques alors en poste depuis 1943, Paul Gélis (1885-1975). Les travaux sont réalisés entre 1950 et 1954, tandis que l’aménagement intérieur se poursuit jusqu’à la fin des années 1950. Consacrée à Sainte-Jeanne-d’Arc, la nouvelle église est inaugurée le 28 mars 1954. La construction de l’orgue par la maison alsacienne Roethinger est peut-être due aux contacts noués en Alsace par l’architecte Gélis. Pendant ce temps, la reconstruction de la ville se poursuit, îlot après îlot, jusqu’au 14 juin 1962, date officielle d’achèvement des travaux symboliquement marquée par la dissolution de l’Association syndicale de Reconstruction de Gien.
Architecte ou maître d'oeuvre :
Laborie André (architecte), Gélis Paul (architecte d’opération), Gélis Jean (architecte d’opération), Nédonchelle Roger (architecte), Delval Henri (architecte), Bazin Léon (architecte), Abraham (architecte d’opération), Bertrand (architecte d’opération), Chelley (architecte d’opération), Koch (architecte d’opération), Bailloz (architecte d’opération), Brochet (architecte d’opération), Navarre Henri (architecte d’opération), Muguet Georges (sculpteur), Ingrand Max (maître-verrier), Bertrand François (maître-verrier), Herzelle (maître-verrier), Roethinger Max (facteur d'orgues), Maison Bollée (entreprise de fonderie), Bertholle Jean (peintre, graveur)
Datation de l'édifice :
1940, 1962
Année d'obtention du label Architecture Contemporaine Remarquable :
2016
Fiche Mérimée : ACR0000392
Dernière mise à jour de la fiche Monumentum : 2025-01-09
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